Panneaux photovoltaïques et crédit : Jurisprudence juillet 2024
Depuis plusieurs années, le contentieux relatif aux contrats de vente et de crédit, ayant financé l'acquisition et l'installation de panneaux photovoltaïques, s'est considérablement développé.
> Pour en savoir plus, voir l'article de l'INC "Panneaux photovoltaiques et crédit : jurisprudence".
Depuis 2019, les arrêts rendus par la Cour de cassation étaient moins favorables au consommateur.
En effet, même si la banque n'avait pas vérifié la régularité du bon de commande et la validité du contrat principal, mais que l'emprunteur n'avait pas subi de préjudice du fait de la simple irrégularité du bon de commande, la banque devait être remboursée du crédit par l'emprunteur (voir notamment Cass. 1ère civ. 25 novembre 2020 n° 19-14.908).
Cependant, par deux arrêts rendus le 10 juillet 2024 (Cass. 1ère civ. 10 juillet 2024 n° 23-12.122 B, Cass. 1ère civ. 10 juillet 2024 n°22-24.754 B), la Cour de cassation cherche à limiter la portée des solutions dégagées jusqu’alors et s'est prononcée pour une responsabilité accentuée pour le prêteur fautif qui a manqué à son obligation de vérifier la régularité formelle du contrat principal.
Les faits étaient similaires dans les deux affaires.
Dans la première affaire (Cass. 1ère civ. 10 juillet 2024, °23-12.122 B), des particuliers avaient conclu un contrat hors établissement avec une société pour la fourniture et l'installation de panneaux photovoltaiques. L'opération avait été financée par un crédit souscrit, le même jour, auprès d'une société de crédit.
A la suite de leur défaillance dans le remboursement du crédit, la banque a assigné les emprunteurs en paiement. Ceux-ci ont assigné le vendeur en nullité du contrat principal. Mais le vendeur a été placé en liquidation judiciaire.
La Cour d'appel d'Agen les a condamnés à payer à la banque une somme en restitution du capital versé.
Les emprunteurs se sont pourvus en cassation.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 10 juillet 2024 (Cass. 1ère civ. 10 juillet 2024, n°23-12.122 B), casse et annule l'arrêt en ce qui concerne la condamnation des emprunteurs à payer à l'établissement de crédit une somme en restitution du capital versé au vu des articles L. 312-48 et L. 312-55 du code de la consommation et de l'article 1231-1 du code civil.
Elle relève que, selon le contrat de vente, le prix incluait les démarches administratives à effectuer par le vendeur et le raccordement au réseau ERDF pris en charge à 100% par celui-ci. Or l'attestation signée par l'emprunteur ne mentionnait pas ces prestations et ne permettait pas de vérifier que ces prestations, prévues au contrat principal, avaient été exécutées.
Dans la deuxième affaire (Cass. 1ère civ. 10 juillet 2024, n°22-24.754 B), la consommatrice avait conclu, en juin 2014, un contrat hors établissement pour la fourniture et la pose de panneaux solaires et d'un ballon thermodynamique, financés par un contrat de crédit souscrit, en juillet 2014, auprès d'une société de crédit.
En août 2014, l'emprunteuse signe une attestation de livraison et d'installation du matériel commandé et demande le déblocage des fonds à destination du vendeur.
Par la suite, l'emprunteuse invoque l'irrégularité du bon de commande et assigne le vendeur et la société de crédit en annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté et en restitution des sommes versées en remboursement du crédit.
En décembre 2015, le vendeur a été placé en liquidation judiciaire.
La Cour d'appel de Lyon a condamné la banque à restituer à l'emprunteuse l'intégralité du capital prêté.
La société de crédit s'est pourvue en cassation et invoque que l'emprunteuse a signé le bon de livraison et n'a pas contesté le bon fonctionnement du matériel. Elle n'a donc pas subi de préjudice, même si le bon de commande était irrégulier.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Après avoir annulé la vente en raison des irrégularités du bon de commande, l'arrêt retient qu'en libérant le capital emprunté sans vérifier la régularité du contrat principal, la banque a manqué à ses obligations, et que l'emprunteuse a subi un préjudice, consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès du vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont elle n'était plus propriétaire.
Indépendamment de l'état de fonctionnement de l'installation, le préjudice n'aurait pas été subi sans la faute de la banque ; la condamnation par la Cour d'appel de la banque à payer à l'emprunteuse, à titre de dommages et intérêts, une somme correspondant au capital emprunté est justifiée.
Ces arrêts rendus en matière de financement de l'installation de panneaux photovoltaïques peuvent également être transposés à la vente d'installations à énergie renouvelable (éoliennes, pompes à chaleur, ballons thermodynamiques...).
Il sera intéressant de suivre la jurisprudence des juridictions du fond sur ces sujets.
Corinne Lamoussière-Pouvreau
Juriste à l'Institut national de la consommation